Lentement, ils sortent du tunnel. Puis ils longent les rails de la Petite Ceinture désaffectée. Du pont qui surplombe le profond goulet encastré entre deux rives d'habitations, on peut les voir, tout en bas. Une femme et deux hommes. Silencieusement, ils avancent. La femme porte un épais manteau trois-quarts. Ses cheveux mal coiffés pendent et cachent son visage. Pâle. Très pâle. Les deux hommes portent ses sacs. Trois petits sacs délavés, usés. Le groupe cherche maintenant une issue.
Dehors les attend un troisième homme. Il commente la scène sur son talky-walky : « On la remonte à la surface. Elle nous a dit qu'elle n'a pas mangé depuis jeudi soir. » Dehors il fait beau. « Bonjour ! Vous venez avec nous madame ? Alors, vous avez eu des misères ? » Dans sa voix, toute l'humanité et la gentillesse qu'il lui est possible de mettre. La femme articule péniblement : « Bonjour », « Oui », « Non ». Elle n'a pas le cœur à parler. Plus même à pleurer.
Elle était venue se terrer là, comme une bête. Se faire oublier. Les trois policiers l’ont débusquée, très doucement, très gentiment. Ils pourraient être des amis. Des amis, elle n’en a probablement plus depuis longtemps. Peut être commencera-t-elle à se confier tout à l’heure. Mais déjà, la machine, et ses procédures, est lancée. On lui cherche une place dans un centre d'accueil. « Pas avant vingt heures trente pour les femmes et c’est pas sûr qu’y a une place ! Oui je vais voir ça ! » émet une voix à travers le talky-walky.
Dehors, les parisiens sont en goguette. C'est le premier dimanche du printemps.
Dimanche 24 mars 2002
Texte et Photo © Sylvie Lasserre
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