« Cher Bertrand, vous êtes un vrai lion ! » Je n’en crois pas mes oreilles. Mais oui, Jean-Pierre Chevènement a bien osé. Qu’avait-il donc ce matin, en s’adressant à Bertrand Delanoé lors de la cérémonie de réinstallation du Lion place Denfert-Rochereau ? Sur le podium, ils sont trois à surenchérir d’éloges, de métaphores bancales et de dithyrambes osés. L’ancien député maire de Belfort - et actuel candidat à la présidence de la république -, le maire de Paris, Bertrand Delanoé, et Pierre Castagnou, maire du 14e arrondissement.
Pierre Castagnou nous informe qu’ « en mars dernier, le lion était descendu de son piédestal pour être restauré. » Sur l’instant, je comprends que le lion s’était carapaté tout seul. Mais non, il voulait dire que le lion « avait été descendu de son piédestal ». Il est vrai que sa disparition était survenue dans la plus grande discrétion. Seuls, les esprits observateurs avaient remarqué son absence. Un beau jour, je remarquai moi aussi, par hasard, que le socle rectangulaire était dépourvu de son lion. Bien décidée à ne pas me faire avoir une seconde fois, je me renseignai sur la date de sa réinstallation. « Dimanche matin ». Depuis la veille, une équipe de cinéma s’est campée sur la place. Quelques photographes amateurs ont pointé le bout de leur nez. C’est bon, je serai là également. « A quelle heure ? » « Onze heures. » Parfait. Arrivée à vélo, je déboule sur la place à onze heures pile, et me trouve nez à nez avec… un lion tout neuf, trônant sur la place et déjà cerné d’une petite foule. « Raté ! » Le lion était revenu à huit heures du matin.
En guise de consolation, une petite cérémonie inattendue. C’est en roi que l’on avait choisi de célébrer son retour. Chevènement, déchaîné ou plutôt mal réveillé, poursuit ses envolées lyriques : « Il est magnifique ! (le lion, pas Bertrand) » Puis : « Cher Bertrand, je connais vos qualités de cœur. » « Cher Bertrand » ne le contredit pas : « J’ai été malheureux pendant sept mois de traverser cette place sans le lion », confesse-t-il, pensant peut-être nous émouvoir. Les enfants du quartier se sont bien amusés. Nous aussi.
Dimanche 14 octobre 2001
Texte et Photo © Sylvie Lasserre
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