Je décide de prendre le large. Un avant-goût de tour du monde... J'ai acheté un appareil photo numérique, une folie. Une envie de reportage... Un rêve... Je ne sais pas.
A Paros, je rencontre Ravi et Dipak, deux Néo-Zélandais d’origine indienne qui font le tour du monde. Cela fait huit mois qu'ils sont partis. La Turquie est leur prochaine étape. Il leur faut peu de temps pour me convaincre de les suivre. Nous prendrons un ferry de nuit pour Samos d’où nous rejoindrons Kusadaçi. Ils prévoient de descendre la côte turque jusqu’à Ölüdeniz, puis de gagner l’Autriche. Je les accompagnerai le plus au Sud possible avant de repartir attraper mon vol à Athènes. Les obligations m'appellent... Salariat. Fil à la patte. Plus pour longtemps...
Dipak et moi passons la nuit blottis l'un contre l'autre. La mer est démontée. Mon angoisse resurgit. Il est doux et réconfortant. Le lendemain matin, notre ferry accoste enfin sur l’île de Samos. Formalités à la douane avant de reprendre un autre bateau. Sans explication, on nous annonce deux heures de retard. Enfin, nous passons en zone d’embarquement. Sur le quai, longue attente à nouveau. La mer est très mauvaise. Je me renseigne auprès d’un employé : " On attend l’autorisation, ce n’est pas sûr qu’on parte. " Rav’ et Dipak sympathisent avec un groupe de routards. Devant nous, un voyage organisé, une cinquantaine de Taïwannais. Je vois bien l’état de la mer, le vent, au moins force six. Je trouve que c’est de l’inconscience de partir. Je tente vainement de le faire comprendre à mes compagnons de route, mais ils sont trop occupés à discuter avec les autres. J’envisage de ne pas partir, mais je ne me vois pas en train de leur annoncer : " Ecoutez, je ne pars pas, c’est trop dangereux. " Je me fais une raison. Deux bateaux sont amarrés. Un gros ferry des lignes régulières grecques et un autre, trois fois plus petit, qui arbore un pavillon turc. Lequel prendrons-nous ? " Le grand, évidemment, me rassure Dipak. Ne t’inquiète pas, cela ne craint rien, regarde sa taille. "
Sur le quai, les marins s’affairent. J’espère, je prie pour que cette maudite autorisation ne soit pas donnée. Tout à coup, la colonne s’ébranle. Nous partons. Horreur ! Elle se dirige vers le rafiot turque. Le groupe d’Anglo-saxons beugle de joie, Rav’ et Dipak se joignent à eux. J’ai l’impression d’être la seule à avoir conscience de la situation, je n’en montre rien. Les touristes taïwannais, chemises hawaïennes, canotiers et tout, montent les premiers et s’installent à l’intérieur. Nous ne sommes pas encore partis, qu’ils entonnent en chœur des chansons. Ils sont en vacances. Nous nous installons à l’arrière sur le pont avec les autres routards. Ils sortent des canettes de bière, ça commence à déconner sec. Moi, je pense au Titanic.
Le bateau quitte le port qui le protégeait de la houle. Vlan, un paquet d’eau sur la tronche. Et allez, un deuxième. Les joyeux lurons hurlent de rire. Mes cheveux dégoulinent, j’enlève mes lunettes de soleil. Le bateau tangue de plus en plus fort. Les coups de boutoir, lorsqu’il retombe, sont impressionnants. " Waouh !!! " Ils se croient sur un manège ou quoi ? Au bout d’un quart d’heure, une Anglaise se lève. Elle tire carrément la tronche. Elle va dégueuler. J’aperçois en bas un Taïwannais penché par dessus bord en train de gerber. Juste au-dessus du sac à dos de Dipak. On commence à moins entendre les joyeux fêtards. Moi, curieusement, ma peur se transforme en une sorte de bravoure que je ne me soupçonnais pas. Je reprends du poil de la bête. La vue de tous ces gens terrorisés peut-être. A mon grand étonnement, je domine totalement ma peur. Je suis prête à mourir.
L’embarcation gîte dangereusement. J’aperçois la côte turque, très, très loin. Pas un seul bateau en vue. En cas de naufrage, on pourra lancer toutes les fusées que l’on voudra, je ne vois pas qui viendra nous secourir. Les vacanciers ne chantent plus. Par moments surgit une tête en haut de l’escalier, comme un poisson rouge hors du bocal. Un Taïwannais en quête d’oxygène. Tels des larves, les touristes se tortillent et se contorsionnent sur le pont, les yeux implorants, le visage déformé par la frayeur. Ils sont verts, jaune, gris, on ne sait plus. Plus un milligramme d’amour propre. L’heure est très très grave, c’est le moins qu’exprime leur visage. Impossible de leur extirper le moindre sourire. Dès le début, ils ont lâché les guitares. Un voyage organisé ! Ils se croyaient pris en main, en sécurité.
Dipak et moi passons à la proue. Derrière, nos joyeux drilles sont à peine plus fiers que les Taïwannais. On ne les entend plus du tout. Affolée, une Japonaise vient s’installer à côté de nous sur le banc. Nous sommes les deux seuls vaillants sur cette embarcation. Le bateau fait alors une telle embardée - il gîte à la verticale - qu’elle croit sa dernière heure venue : " Omo ! Omo ! " ??? Je crois qu’elle va pleurer mais ses yeux restent ronds comme des billes. En bas, ça dégueule sec. " Do you have a plastic bag ? " nous supplie un homme qui vient d’émerger de l’escalier et rampe à nos pieds. A présent il est vautré par terre, les deux bras appuyés sur le banc dont seule émerge sa tête. Adieu ego, liesse et fierté. Je me retiens pour ne pas sortir mon appareil photo.
Soudain, un homme d’équipage apparaît sur le pont. Que vient-il nous annoncer ? Qu’il faut enfiler les gilets de sauvetage ? S’il y en a… Non. Lestement, il descend le pavillon grec et hisse le drapeau turc. Puis il redescend dans sa cabine. Les haut-parleurs se mettent alors à diffuser de la musique à plein volume. Surréaliste. La croisière en perdition sera moins sinistre.
Enfin, la côte se rapproche. Kusadaçi. Nous accostons, ou plutôt, nous tentons d’accoster. Dans le port, la houle est telle qu’il faut vingt minutes aux hommes d’équipage pour réussir à amarrer notre coquille de noix. Nous débarquons enfin. Des femmes craquent et fondent en pleurs. Crises de nerfs. L'une d'elle, traumatisée, ne peut plus marcher. On la débarque sur un chariot, pauvre petite chose recroquevillée. Elle se tient le front et pleure convulsivement. Son mari marche à côté d'elle et lui tient la main. Quelle épreuve !
Mais déjà ce n'est plus qu'un lointain souvenir. Je pose le pied sur la terre ferme. J'entends le muezzin appeler à la prière. La Turquie m'appelle.
Mai 2000 - Texte et Photo © Sylvie Lasserre
Bonjour,
Je viens tout juste de découvrir ce texte et.. . j'ai l'impression de me revoir sur un bateau en Indonésie en septembre 2006, ou entre la Floride et les Bahamas en juin 2007 ou au large du Groenland en septembre dernier... La mer, toujours un grand moment.
Merci.
:-)
Rédigé par : Un Monde Ailleurs | 19/11/2007 à 15:36
salut sylvie c'est driss désolé pour la journée de derangement paaaar le service sucret mais c'est pas grave toit vas bien ,bon j'ai vu ton exposition et les photos c'est merveilleux j sais pas que tu travaille juste pour l'humanité c'est cool bon je te felicite pour ce brave travaaail qui n'est pas facile de le faire voyager au bout de monde juste pour les enfants et les familles vivants en misére c'est deja un travaail de dieu merci pour ça et ABIENTOT
Rédigé par : elhatimy driss | 21/07/2005 à 22:23
salut sylvie c'est driss désolé pour la journée de derangement paaaar le service sucret mais c'est pas grave toit vas bien ,bon j'ai vu ton exposition et les photos c'est merveilleux j sais pas que tu travaille juste pour l'humanité c'est cool bon je te felicite pour ce brave travaaail qui n'est pas facile de le faire voyager au bout de monde juste pour les enfants et les familles vivants en misére c'est deja un travaail de dieu merci pour ça et ABIENTOT
Rédigé par : elhatimy driss | 21/07/2005 à 22:23
si vous voulez parler au vrai Jean Quatremer, écrivez moi à l'adresse ci-dessus. L'autre est un escroc.....
Rédigé par : Quatremer | 04/04/2005 à 17:47