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Campine : sous le ciel de Brueghel

Campine Richard, Virginie et moi avons rejoint Anvers en deux heures à peine grâce au Thalys. Ensuite, un petit train nous a conduits à Turnhout, la capitale de la Campine. La quoi ? La Campine ! Située entre Bruxelles et Amsterdam, cette région est méconnue des voyageurs qui préfèrent s'arrêter à Bruxelles pour affaires ou poursuivre leur voyage jusqu'à Amsterdam. Et pourtant… cette région sauvage, à cheval entre la Belgique et la Hollande, mérite que l'on s'y arrête et qu'on la découvre à vélo, bien sûr. C'est à Turnhout que nous choisissons de nous baser pour pouvoir rayonner alentour. Cette petite ville flamande se trouve à une quarantaine de kilomètres au nord-est d'Anvers. Une charmante petite ville nordique, dont la gaieté des carillons nous rappelle que nous sommes proches de la frontière néerlandaise. Autour de la Grand-place, les étroites maisons de brique rouge se collent les unes aux autres, comme pour se tenir chaud.

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Turquie : traversée houleuse

Photo_003 Je décide de prendre le large. Un avant-goût de tour du monde... J'ai acheté un appareil photo numérique, une folie. Une envie de reportage... Un rêve... Je ne sais pas.

A Paros, je rencontre Ravi et Dipak, deux Néo-Zélandais d’origine indienne qui font le tour du monde. Cela fait huit mois qu'ils sont partis. La Turquie est leur prochaine étape. Il leur faut peu de temps pour me convaincre de les suivre. Nous prendrons un ferry de nuit pour Samos d’où nous rejoindrons Kusadaçi. Ils prévoient de descendre la côte turque jusqu’à Ölüdeniz, puis de gagner l’Autriche. Je les accompagnerai le plus au Sud possible avant de repartir attraper mon vol à Athènes. Les obligations m'appellent... Salariat. Fil à la patte. Plus pour longtemps...

Dipak et moi passons la nuit blottis l'un contre l'autre. La mer est démontée. Mon angoisse resurgit. Il est doux et réconfortant. Le lendemain matin, notre ferry accoste enfin sur l’île de Samos. Formalités à la douane avant de reprendre un autre bateau. Sans explication, on nous annonce deux heures de retard. Enfin, nous passons en zone d’embarquement. Sur le quai, longue attente à nouveau. La mer est très mauvaise. Je me renseigne auprès d’un employé : " On attend l’autorisation, ce n’est pas sûr qu’on parte. "  Rav’ et Dipak sympathisent avec un groupe de routards. Devant nous, un voyage organisé, une cinquantaine de Taïwannais. Je vois bien l’état de la mer, le vent, au moins force six. Je trouve que c’est de l’inconscience de partir. Je tente vainement de le faire comprendre à mes compagnons de route, mais ils sont trop occupés à discuter avec les autres. J’envisage de ne pas partir, mais je ne me vois pas en train de leur annoncer : " Ecoutez, je ne pars pas, c’est trop dangereux. " Je me fais une raison. Deux bateaux sont amarrés. Un gros ferry des lignes régulières grecques et un autre, trois fois plus petit, qui arbore un pavillon turc. Lequel prendrons-nous ? " Le grand, évidemment, me rassure Dipak. Ne t’inquiète pas, cela ne craint rien, regarde sa taille. "

Sur le quai, les marins s’affairent. J’espère, je prie pour que cette maudite autorisation ne soit pas donnée. Tout à coup, la colonne s’ébranle. Nous partons. Horreur ! Elle se dirige vers le rafiot turque. Le groupe d’Anglo-saxons beugle de joie, Rav’ et Dipak se joignent à eux. J’ai l’impression d’être la seule à avoir conscience de la situation, je n’en montre rien. Les touristes taïwannais, chemises hawaïennes, canotiers et tout, montent les premiers et s’installent à l’intérieur. Nous ne sommes pas encore partis, qu’ils entonnent en chœur des chansons. Ils sont en vacances. Nous nous installons à l’arrière sur le pont avec les autres routards. Ils sortent des canettes de bière, ça commence à déconner sec. Moi, je pense au Titanic.

Le bateau quitte le port qui le protégeait de la houle. Vlan, un paquet d’eau sur la tronche. Et allez, un deuxième. Les joyeux lurons hurlent de rire. Mes cheveux dégoulinent, j’enlève mes lunettes de soleil. Le bateau tangue de plus en plus fort. Les coups de boutoir, lorsqu’il retombe, sont impressionnants. " Waouh !!! " Ils se croient sur un manège ou quoi ? Au bout d’un quart d’heure, une Anglaise se lève. Elle tire carrément la tronche. Elle va dégueuler. J’aperçois en bas un Taïwannais penché par dessus bord en train de gerber. Juste au-dessus du sac à dos de Dipak. On commence à moins entendre les joyeux fêtards. Moi, curieusement, ma peur se transforme en une sorte de bravoure que je ne me soupçonnais pas. Je reprends du poil de la bête. La vue de tous ces gens terrorisés peut-être. A mon grand étonnement, je domine totalement ma peur. Je suis prête à mourir.

L’embarcation gîte dangereusement. J’aperçois la côte turque, très, très loin. Pas un seul bateau en vue. En cas de naufrage, on pourra lancer toutes les fusées que l’on voudra, je ne vois pas qui viendra nous secourir. Les vacanciers ne chantent plus. Par moments surgit une tête en haut de l’escalier, comme un poisson rouge hors du bocal. Un Taïwannais en quête d’oxygène. Tels des larves, les touristes se tortillent et se contorsionnent sur le pont, les yeux implorants, le visage déformé par la frayeur. Ils sont verts, jaune, gris, on ne sait plus. Plus un milligramme d’amour propre. L’heure est très très grave, c’est le moins qu’exprime leur visage. Impossible de leur extirper le moindre sourire. Dès le début, ils ont lâché les guitares. Un voyage organisé ! Ils se croyaient pris en main, en sécurité.

Dipak et moi passons à la proue. Derrière, nos joyeux drilles sont à peine plus fiers que les Taïwannais. On ne les entend plus du tout. Affolée, une Japonaise vient s’installer à côté de nous sur le banc. Nous sommes les deux seuls vaillants sur cette embarcation. Le bateau fait alors une telle embardée - il gîte à la verticale - qu’elle croit sa dernière heure venue : " Omo ! Omo ! " ??? Je crois qu’elle va pleurer mais ses yeux restent ronds comme des billes. En bas, ça dégueule sec. " Do you have a plastic bag ? " nous supplie un homme qui vient d’émerger de l’escalier et rampe à nos pieds. A présent il est vautré par terre, les deux bras appuyés sur le banc dont seule émerge sa tête. Adieu ego, liesse et fierté. Je me retiens pour ne pas sortir mon appareil photo.

Soudain, un homme d’équipage apparaît sur le pont. Que vient-il nous annoncer ? Qu’il faut enfiler les gilets de sauvetage ? S’il y en a… Non. Lestement, il descend le pavillon grec et hisse le drapeau turc. Puis il redescend dans sa cabine. Les haut-parleurs se mettent alors à diffuser de la musique à plein volume. Surréaliste. La croisière en perdition sera moins sinistre.

Enfin, la côte se rapproche. Kusadaçi. Nous accostons, ou plutôt, nous tentons d’accoster. Dans le port, la houle est telle qu’il faut vingt minutes aux hommes d’équipage pour réussir à amarrer notre coquille de noix. Nous débarquons enfin. Des femmes craquent et fondent en pleurs. Crises de nerfs. L'une d'elle, traumatisée, ne peut plus marcher. On la débarque sur un chariot, pauvre petite chose recroquevillée. Elle se tient le front et pleure convulsivement. Son mari marche à côté d'elle et lui tient la main. Quelle épreuve !

Mais déjà ce n'est plus qu'un lointain souvenir. Je pose le pied sur la terre ferme. J'entends le muezzin appeler à la prière. La Turquie m'appelle.

Mai 2000 - Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Athènes ou comment je suis devenue journaliste

Chvre

Quartier de l’Acropole. Je traîne, désoeuvrée, j'ai raté un avion. Un homme accourt vers moi d’un pas pesant, ses cheveux gris échevelés. " Vous êtes française ? " " Oui… " Soulagement de sa part. " Ah… " Il bafouille un moment. Il semble bouleversé. " Je suis français. On vient de me voler. Je n’ai plus rien, plus un sou. " Se retrouver en pays étranger sans une connaissance ni un kopeck en poche, pas même de quoi se payer un verre d’eau ou un appel téléphonique, cela m’est déjà arrivé à Madrid, lors d'une mission pour Thalès. Je ne peux que compatir.

" Je rentre de reportage. Des Serbes m’ont coincé à l’aéroport militaire. Regardez ! " Il me montre le fond tailladé de sa vieille besace en cuir. " Ils ont pris mon magnétophone. Trois mois de travail ! " Il en est malade. Moi aussi. Il ne me laisse pas parler. " L’ambassade est fermée. Je dois attendre lundi. " Je ne peux pas le laisser dans la merde. " Venez, je vous invite à déjeuner ! " Cela me fera gagner du temps pour voir si oui ou non il me " pipeaute ". Il veut rejoindre une copine qui vit sur une île. Elle pourra le dépanner. Mais il n’a même pas de quoi se payer le train. " Je travaille pour Libération. Vous connaissez ? " Tu parles si je connais ! Je lui fais part de mon envie de devenir journaliste. " Regardez, je suis déjà équipée ". Je lui montre mon Nikon. " Ah ben justement, je cherche un photographe. Le mien m’a lâché. " Je bondis : " Ca m’intéresse ! " Ne connaissant rien au journalisme, mes velléités de reportage avaient tourné court et s'étaient résumées à quelques photos de chèvres et de bergers, prises de loin, au hasard. " Vous êtes prête à partir en reportage avec moi, à me suivre en Serbie ? " " Oui, au contraire ! "

Cet homme tombe du ciel, littéralement. " Ah ben écoutez, dès que je rentre à Paris, je vous recontacte et nous passons à Libé régler les formalités. " Il me dit s’appeler Jean Quatremer, un pseudo. Son vrai nom, Jean-Paul Lurier. Il me montre sa carte d’identité. Je m’enquiers des salaires. C’est moins que ce que je gagne, mais ça va. Je réalise que je suis prête à n’importe quel sacrifice. Je suis sur un nuage. Mon rêve pourrait devenir réalité. Je ne dois pas laisser passer cette chance. Il accepte mon invitation, mais pas à déjeuner, seulement pour un café, ce qui m'étonne un peu. Il pue le bouc, mais cela conforte l’idée que je me fais du reporter en mission. Je cherche vainement un moyen de le coincer. Impossible, il parle sans cesse. Politique, journalisme, … Il n’arrête pas. Il me questionne. Impossible de me concentrer. J’essaye de le situer un peu mieux. " Tu connais untel ? " " Oui bien sûr, un ami de machin ! "

Je décide d’appeler Sophie - son copain est grand reporter - et je m’échappe un moment aux toilettes. Elle me dira tout de suite s’il connaît ce type, au moins de nom. Mais les toilettes sont trop proches de la table. L'homme m’entendra, je n’ose pas appeler. Je décide de jouer quitte ou double. S’il est honnête, ce serait dégueulasse de ne pas l’aider, s’il est malhonnête, tant pis. Je ne veux pas risquer de léser un innocent. Nous nous rendons à un distributeur de billets. Je tire 50 000 drachmes, six cent francs environ, que je lui tends. Il me remercie, me fait la bise et disparaît. J’appelle aussitôt Sophie : " Devine ce qui m’arrive ! " Elle m’arrête aussitôt : " C’est du pipeau ton truc ! " L’évidence me saute alors aux yeux. De retour à Paris, j’appelle l'hôtel de ses parents, dont il m'avait laissé les coordonnées. " Lurier ? Non, le propriétaire ne s’appelle pas Lurier. "

Ce qu’il ignore, c’est que je lui suis immensément redevable. Grâce à lui, un déclic s'est produit. Pour la première fois, je venais de m'envisager journaliste. Jusque là c'était une chose impensable. J'étais scientifique, j'étais ingénieur. J'étais une personne sérieuse, conforme à l'image que l'on se faisait de moi et qui me flattait gentiment. Et là, tout à coup, comme un voile que l'on aurait brusquement arraché, en l'espace d'une seconde, je réalisai que j'étais prête à tout pour devenir journaliste. Cette vague envie, latente depuis longtemps, venait de se transformer en un désir plus fort que tout. C'était comme si, tout à coup, quelqu'un était venu me donner de mes nouvelles (André Breton). Je serai journaliste.

Juin 2000 - Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Paris et comment je suis devenue journaliste (suite et fin)

De retour à Paris, je raconte l’histoire à Nathalie, ma soeur : " Mais il est connu ton mec ! Ils passent sans arrêt des avertissements contre lui dans les petites annonces de Libé ! " J’étais passée à côté. J’envoie aussitôt un mail à Libération pour leur signaler l’incident. Cela pourra toujours leur être utile. Et puis... cela me fera connaître... On ne sait jamais. Jean Quatremer, me répond rapidement un petit mot charmant, plein d'humour :

" Chère Sylvie, Effectivement, il est connu comme le loup blanc et nuit à ma réputation depuis onze ans. J'ai porté plainte mais en vain. Néanmoins, il faut que vous sachiez qu'un journaliste en perdition a d'autres moyens de contacter son journal que de taper les touristes... Je suis désolé de votre mésaventure. Comme disait ma grand-mère, chat échaudé... Amicalement. Jean Quatremer (le seul, le vrai, l'authentique) "

Je ne devrais pas m’en vanter : la mésaventure prouve à quel point j’ignore alors tout du journalisme. Deux jours plus tard, je reçois un appel de… Sorj Chalandon, un des rédacteurs en chef de Libération. Il passe vingt minutes au téléphone avec moi. Très sympa. Il veut envoyer un journaliste sur place. Il en a marre de ce type qui nuit à la réputation de Libé depuis quinze ans et qu’ils n’arrivent pas à arrêter. Je saute sur l’occasion : " Je peux y aller en pigiste ! " Je sais à peine ce qu’est un pigiste. Mais il préfère que cette affaire soit traitée par quelqu’un du journal.

Une copine me donne alors ce précieux conseil : " Mais pourquoi tu ne ferais pas une formation de journalisme ? " Elle me parle du CFPJ, le Centre de Formation et de Perfectionnement pour les Journalistes de la rue du Louvre. L’aventure est partie.

Juin 2000 - Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Tour du monde au jardin du Luxembourg

Tourmondeluxembourg « Afin de ne pas polluer la planète merci de ne pas fumer et d’enlever vos chaussures avant de faire le tour du monde. » Comme à la mosquée, les savates sont déposées à l’entrée de l’immense planisphère du jardin du Luxembourg. Du bout de l’orteil, Tranh indique son village natal à une étudiante française : Vinh Loi sur les marécages de Ca Mau. Puis il recommande vivement Nha Trang : « C’est la plage ! C’est comme Perpignan ! » Le jeune touriste vietnamien, blue jeans, tee shirt Nike, s’attarde sur son pays : Halong Bay, Hué. « Hué, c’est la cidarelle. » « La quoi ? » « La cidarelle royale ! » « Ah ! »

Les adultes déambulent gravement sur la carte géante, en chaussettes ou pieds nus. Certains se plantent, tels des hérons, tête basse et sandales ballantes à la main. On se raconte ses vacances, on s’assoit sur un continent du planisphère, le temps de parler posément de ses projets de voyages. Deux touristes prennent la position du lotus sur l’Inde. Pour la photo.

Quatre petites libellules en tee shirt rose fuchsia déboulent sur l’estrade et décrivent de larges cercles en courant. Elles agitent les bras dans tous les sens et poussent de petits cris aigus. « Je suis sur la terre ! » « On va sur l’eau ? » « Ouais ! » Une autre mime la nage. « Elle est grande hein la mer ! » « Regardez, je marche sur les maisons ! » La mère s’impatiente : « Allez ! On remet les chaussures ! » Et elles s’envolent, comme elles sont venues.

« Il ne faut pas courir », intime le père d’Antoine. « Moi, je veux courir ! » Antoine, petit blond d’environ quatre ans, tee shirt vert, court sans vouloir jamais s’arrêter. Il rit de toutes ses dents, silencieusement. De joyeux cris de mouette lui échappent : il traverse les océans et les continents. Son grand frère l’accompagne. « Y a plus pied ! » Le père, sérieux, tente de les instruire : « Tu vois, là, c’est l’Amérique ! » « Ouais ! » Et ils repartent de plus belle. Leurs cris retentissent, de plus en plus longs, de plus en plus stridents. Tellement heureux ! Antoine fait une halte en Pacifique nord. Il barbote un moment et, du plat de la main, donne des claques à la surface de l’eau. Il rit tout seul. Infatigable, il repart, suivi d’un copain qu’il vient de rencontrer en Alaska. Perl, une toute petite Vietnamienne, s’allonge, se vautre, se pelotonne. Elle attrape des jambes adultes. Maintenant, elle pose, à plat ventre sur le Vietnam, pour sa mère adoptive, américaine, qui prend la photo. Deux ans et deux petites couettes en l’air. Elle rit, elle aussi, du même rire qu’Antoine, l’air un peu largué mais les yeux brillants.

Antoine est maintenant rouge vif. Mais son père le rappelle pour partir. Et Antoine s’éloigne, à regrets, un ballon de baudruche à la main. Il se retourne et jette un dernier regard sur la petite Perl.

Vendredi 25 août 2000

Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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T'as vu ? On dirait Cannes !

Parisplage_1 Du Pont au Change, vue imprenable ! Pelouse vert flashy, serviettes de plage multicolores et poupées Barbie allongées sous la lumière artificielle. « Ce sont des figurants ! Ils sont payés… » plaisante un jeune homme penché au-dessus du parapet. Une dame critique : « Elle est pas du tout décontractée ! » Son amie acquiesce : « Ah ben non, elle tient la pose ! » Trois flics perplexes scrutent le rectangle d'herbe, puis repartent, indécis.

Du haut du quai, photographes, journalistes, touristes et curieux se bousculent pour trouver le meilleur point de vue. Dans le brouhaha de la circulation automobile, ça mitraille de toutes parts. Un photographe a escaladé le parapet pour descendre sur la corniche. Arrive un hurluberlu en verve, bonnet de laine et catogan, qui fait un moment diversion. « Vous êtes journaliste ? » « Oui. » « T'as entendu parler des chaussettes anti-fatigue ? » Les journalistes sont censés être au courant de tout… Et il lui montre fièrement les deux bracelets rouges gonflables qu'il porte autour des chevilles. « Au moins quand t'enlèves les chaussettes le soir tu t'en rends compte ! » Arrive un autre photographe. « Je vais voir si je passe mais j'ai le vertige. »

Penchés au-dessus de la fosse, quatre touristes hollandais se poussent et font mine de lancer des cacahuètes aux lolitas tout en riant grassement. En bas, un reporter circule, micro à la main et antenne dans le dos. Une journaliste et un caméraman japonais se sont faufilés jusqu'aux starlettes pour les interviewer. Un passant profite de l'aubaine pour les filmer en douce avant de filer à l'anglaise. Au balcon, on se bouscule pour jeter un coup d'oeil en bas avant de pousser son commentaire - chacun a son avis à donner - : « Y'z'ont dit que dans le sable, y avait des scorpions. Moi j'vais pas y aller ! » « T'as vu ? On dirait Cannes ! Sauf qu'y'z'ont pas mis les yachts ! » « Y'en a qui d'vraient changer de maillot de bains ! » « Qu'est-ce qu'ils sont blancs ces parisiens ! » « Ca, c'est le côté exhibitionniste des gens ! » « Ah ! ben ça fait une attraction ! » « Oh ! la la la la ! » Passe un bateau mouche. Sur le pont, la guide s'évertue à montrer le Tribunal de Commerce mais tous les passagers ont la tête rivée de l'autre côté, vers la « plage ». Ah ! Elles croyaient être tranquilles, ce matin, les trois copines, quand elles ont installé leur paréo sur la pelouse ! Légère brise, beau soleil, palmiers... Peu de monde. A présent, elles ne semblent pas avoir réalisé qu'elles étaient devenues le centre d'attraction de « Paris -Plage ». Six cent mille personnes sont passées cet après-midi, paraît-il.

Dimanche 21 juillet 2002

Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Temps de guerre

Tempsdeguerre « Il y en aura pour tout le monde ? » interroge, inquiète, la dernière arrivée. La file d'attente serpente sur plusieurs dizaines de mètres. Une heure d'attente au minimum. « Rangez vos billets, on ne prend pas de billets, on va débiter vos comptes », annonce une hôtesse. Un par un, sagement alignés, ils attendent, patients, cabas à la main. Serrés les uns contre les autres, parkas, shapkas et pantalons chaud, les vieux se tiennent chaud, par ce temps glacial. « Ils ont dit à la radio que les distributions n'étaient ouvertes que le matin », affirme une dame.

« Pour toute délivrance de sachets, merci de présenter une pièce d'identité et un chéquier ou une carte de paiement », indique la pancarte. « Bon ben j'ai ni l'un ni l'autre, râle la dame. Moi j'ai juste mon titre de transport ! » « Allez à la poste, ils en donnent à tout le monde », recommande, compréhensive, la caissière. « C'est la troisième banque qui me dit ça ! gémit-elle. Moi j'habite à l'autre bout de Paris ! »

Alerté, le directeur vient en personne donner de nouvelles recommandations aux hôtesses : « Bien faire comprendre aux clients qu'il n'y a pas de pénurie, que ce n'est pas la guerre. » L’homme sait aussi comment traiter ses clients : « Bonjour madame, vous souhaitez retirer un petit kit euro ? »

Seul indice que nous ne sommes pas en temps de guerre, des ballons en baudruche de toutes les couleurs décorent la banque.

Vendredi 14 décembre 2001

Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Temps de guerre (suite et fin)

Tempsdeguerre2 Pour les besoins de mon reportage, je tente, aussi discrètement que possible parmi cette foule ramassée et désoeuvrée, de voler quelques photos. J’en ai déjà pris quelques unes lorsque le vigile me repère : « Qu’est-ce que vous faites ? » Je prends mon air le plus niais, mon attitude la plus engageante : « Je suis en stage de journalisme, c’est pour mon rapport de stage. » Sans oublier mon joker : « Je suis cliente de l’agence. » Rien à faire : « Vous n’avez pas le droit, il faut demander la permission. » « Aucun problème, demandez-la ! » Je suis charmante, et vraiment, aucun risque avec moi. Arrive une « responsable ». Gentiment, elle me redit à peu près la même chose. Elle doit appeler la « COM-MU-NI-CA-TION ». Je la suis dans son bureau. « Allô ? » « …… » « D’accord ». Un sourire, et elle me chuchote, complice : « Vous n’avez pas le droit, mais faites comme si l’on ne vous avait pas vue, prenez les photos de l’extérieur… » La conscience tranquille, je mitraille, de l’extérieur. Mais…

Maître corbeau régnait en son agence.

Un petit homme, surgi de nulle part, me tombe dessus : « Bonjour, je peux savoir ce que vous faites ? » Avant d’ajouter : « Je suis le directeur de l’agence. » « Ben, on ne vous a pas dit ? C’est pour un rapport de stage, cela ne paraîtra pas dans la presse. » Visiblement, on ne lui a rien dit. « Non, vous n’avez pas le droit, poursuit-il, intraitable. Et puis ce sont nos clients que vous prenez ! » « Mais je les prends de dos ! » se défend l’agneau. « Les consignes de la communication sont très strictes : c’est interdit », répond le loup.

Depuis le début de la scène, une silhouette, plantée dans mon dos, semble attendre quelque chose. Elle finit par me taper sur l’épaule. « Najwan ! » C’est un copain, qui habite le quartier. Il passait par là, il a tout vu, tout entendu. Il ne comprend pas ce que je fais là. Je lui explique.

Sans crier gare, Najwan entre alors en scène : « Monsieur, je savais bien que vous étiez quelqu’un de sympathique ! Justement, je voulais ouvrir un compte en banque. Je suis architecte, je pars bientôt au Cambodge. » Blablabla… Puis : « Mais elle peut me prendre en photo, moi, dans l’agence ? » Très fort, Najwan. « Oui, bien sûr (monsignourrr), aucun problème. » Ils en sont presque à se taper dans le dos. J’en profite : « Je peux vous prendre ensemble ? » « Mais bien-sûûûr ! ! ! » Mais que lui a fait Najwan ? ? ? Oubliées, les strictes consignes… Le directeur part chercher deux agendas qu’il nous offre. Les voilà, tous deux, posant pour la photo. Et là… Le directeur me gratifie du plus beau sourire rectangulaire que j’ai jamais vu. Je rêve. Paf. Je tire. Mais mon déclencheur réagit à retardement ! La photo que vous voyez n’est qu’un pâle résidu de ce sourire inouï. Plus tard, Najwan : « Tu sais, il faut flatter les gens… »

Vendredi 14 décembre 2001

Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Le retour du lion

Retourlion « Cher Bertrand, vous êtes un vrai lion ! » Je n’en crois pas mes oreilles. Mais oui, Jean-Pierre Chevènement a bien osé. Qu’avait-il donc ce matin, en s’adressant à Bertrand Delanoé lors de la cérémonie de réinstallation du Lion place Denfert-Rochereau ? Sur le podium, ils sont trois à surenchérir d’éloges, de métaphores bancales et de dithyrambes osés. L’ancien député maire de Belfort - et actuel candidat à la présidence de la république -, le maire de Paris, Bertrand Delanoé, et Pierre Castagnou, maire du 14e arrondissement.

Pierre Castagnou nous informe qu’ « en mars dernier, le lion était descendu de son piédestal pour être restauré. » Sur l’instant, je comprends que le lion s’était carapaté tout seul. Mais non, il voulait dire que le lion « avait été descendu de son piédestal ». Il est vrai que sa disparition était survenue dans la plus grande discrétion. Seuls, les esprits observateurs avaient remarqué son absence. Un beau jour, je remarquai moi aussi, par hasard, que le socle rectangulaire était dépourvu de son lion. Bien décidée à ne pas me faire avoir une seconde fois, je me renseignai sur la date de sa réinstallation. « Dimanche matin ». Depuis la veille, une équipe de cinéma s’est campée sur la place. Quelques photographes amateurs ont pointé le bout de leur nez. C’est bon, je serai là également. « A quelle heure ? » « Onze heures. » Parfait. Arrivée à vélo, je déboule sur la place à onze heures pile, et me trouve nez à nez avec… un lion tout neuf, trônant sur la place et déjà cerné d’une petite foule. « Raté ! » Le lion était revenu à huit heures du matin.

En guise de consolation, une petite cérémonie inattendue. C’est en roi que l’on avait choisi de célébrer son retour. Chevènement, déchaîné ou plutôt mal réveillé, poursuit ses envolées lyriques : « Il est magnifique ! (le lion, pas Bertrand) » Puis : « Cher Bertrand, je connais vos qualités de cœur. » « Cher Bertrand » ne le contredit pas : « J’ai été malheureux pendant sept mois de traverser cette place sans le lion », confesse-t-il, pensant peut-être nous émouvoir. Les enfants du quartier se sont bien amusés. Nous aussi.

Dimanche 14 octobre 2001

Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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Le rat de la cité universitaire

Huit heures du matin, parc de la Cité universitaire. L’homme a surgi de derrière un buisson, comme un rat. Penché en avant dans un grand pardessus gris, il tient un sac en plastique à la main. Ses effets. Son pas est pressé, décidé. Non pas qu’il sache où il va, mais plutôt qu’il cherche à dissimuler son errance sans but. La chaleur s’annonce. A cette heure matinale, peu de témoins à sa misère. Juste deux ou trois joggers, qui l’ignorent en passant devant lui. Le reste des forcenés de la forme ne tardera pas à arriver. L’homme s’en ira alors vers la ville y chercher de quoi se sustenter. A l’approche de la nuit, il regagnera discrètement ses pénates.

A présent, il se désaltère au robinet prévu pour les joueurs de tennis. C’est son point d’eau, secret, dans la jungle asphaltée qui rugit derrière les grilles de la Cité. Ici, il dispose de bancs paisibles pour se reposer. Le grand luxe.

Je le croise depuis plusieurs années dans le triangle urbain Alésia, Denfert, Saint-Jacques. Aujourd’hui, j’ai découvert son repère à la cité. Il m’a toujours mise mal à l’aise avec ses lunettes en écaille, son pardessus strict et son visage d’intellectuel, un poil trop cuit par le soleil. Il me dérange avec son air de vouloir se cacher furtivement, comme pour masquer la honte de sa condition déplorable. Aujourd’hui, en allant faire trois courses, je l’ai croisé rue Dareau, près du pont du RER. Consciente que je n’allais pas tarder à écrire sur lui, lâchement reconnaissante, je lui donnai pour la première fois dix francs, royalement. Et je l’entendis me dire : « … mais si les historiens ne font rien, les aberrations se maintiennent et elles se généralisent… » Craignant de m’engager plus, je passai rapidement mon chemin. Nous sommes à cent mètres de Sainte-Anne. Cet homme a-t-il eu une femme, des enfants ?

Un matin de juin 2001

Texte et Photo © Sylvie Lasserre

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